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Faites connaissance avec Dionysos, le dieu Grec : théologie dionysiaque de base


Dionysos, le dieu Grec

Qui est Dionysos, le dieu Grec ?...... Le dieu multiforme de Nonnos...... Dionysos ubique, bouc et bique...... La rencontre des contraires...... Dieu agricole, Le cycle éternel...... Dieu à usage métaphysique : Nietzsche contre le Caravage...... Agavé, Penthée, et les seins gonflés des Ménades ...... Scandale hier soir à France-Télé-Plus...... Un dieu irascible (le sens du poil)...... Dionysos antipolitique

Qui est Dionysos, le dieu Grec ?

080511 Qui était Dionysos ? Surtout ne pas regarder les encyclopédies, où on voit qu'il aurait été le dieu de la vigne et du vin ! Aïe aïe aïe, quelle erreur ! Totalement réducteur. C'est comme si on donnait la définition suivante de l'automobile : "sorte de boîte consommant de l'essence", sans dire qu'on peut monter dedans et qu'elle avance ! Le vin, ce n'est qu'un carburant parmi tant d'autres.

Dieu de la terre, des saisons, de tous les cycles. Dieu des pulsions. Dieu de l'énergie vitale, de l'irrationnel, du sensitif (contre la raison). C'est le dieu non pas du vin mais de l'ivresse, celle qui permet de sortir de soi-même, toutes les sortes d'ivresse, celle de la colère, celle de l'excitation sexuelle, celle de la victoire, et bien d'autres. Le dieu du théâtre, de l'ambigüité, du multiple (contre le Un). Le dieu du devenir, le dieu de l'amour du destin.

090113 Mais tout cela, qui ressemble au Dionysos de Nietzsche, est-il bien conforme au Dionysos des Grecs ? La réponse est aux savants : voici l'admirable tirade d'Henri Jeanmaire (Dionysos, histoire du culte de Bacchus) :

VosBacchus

Le dieu de la folie hystérique qui, du reste, en guérit par cette catharsis parfaite qu'est la fatigue des muscles et le déchaînement du rire ; - le dieu des prestiges divers qui découlent de toutes les formes d'excitation frénétique, - que ce soit la danse, le vin, la consommation du sang chaud, l'exaltation collective par le bruit, la musique et le déchaînement des sentiments passionnés ; - le dieu, en définitive, d'un ordre de choses et d'une vision de l'univers qui sont aussi peu attachés que possible à l'ordre social, mais qui sont associés intimement à ce qui, dans le cadre des fêtes où se manifeste sa présence, correspond au sentiment d'évasion qui en exprime la joie et qu'accompagne le sentiment - ou l'illusion - de l'abondance ; le dieu, enfin, devenu inséparable de son entourage carnavalesque de satyres musiciens et danseurs, élève et compagnon de ce Silène qui titube à ses côtés ou chevauche son mulet, ce dieu essentiellement polymorphe…

Bouc

Le dieu multiforme de Nonnos

260610 Les transformations d'aspect de Dionysos sont bien décrites au chant 40 des Dionysiaques de Nonnos de Panopolis. Nonnos de Panopolis : poète grec du Vè siècle, un Monsieur très bien qui avait entièrement réécrit l'évangile de Saint Jean en vers (en hexamètres dactyliques). Mais attention, ce Nonnos-là n'a aucun rapport, bien entendu, avec le nonnos… que vous donnez à votre chien-chien. Le bon gros chien-chien a son nonnos.

Le vrai Nonnos habitait donc Panopolis, non pas là où on ralentit (au panneau "Police"), mais pano-polis, polis c'est bien entendu la ville, en grec, qui a donné métropole, acropole, Réaumur-Sébastopol, et ainsi de suite, et pano, non pas le pain, mais Pan. Panopolis, c'est la ville de Pan. Donc, dans ce chant 40 des Dionysiaques, on apprend que Dionysos peut prendre l'aspect de toutes sortes de bêtes sauvages, lion, taureau, et même d'une flamme ou de la mer déchaînée.

Dionysos ubique, bouc et bique

080610 Dionysos n'est pas hic et nunc, ici et maintenant, comme le disent un peu naïvement les Bouddhistes, pas hic et nunc, mais hic et hoc, ici et là-bas. Car Dionysos est ubique, à plusieurs endroits à la fois : Dionysos et son bouc, ubiques, hic et hoc, mâle et femelle, et son bouc est bique, son bouc hic et sa bique hoc, ou bique hic et bouc hoc : tout à la fois.

yinyang

La rencontre des contraires

020608 Voici ce qu'écrit Jean-Pierre Darmon dans le Dictionnaire des mythologies de Flammarion : "L'être même de Dionysos est le lieu de toutes les contradictions majeures, que la seule raison humaine est impuissante à assumer, entre identité et altérité, présence et absence, imaginaire et réalité, absolu et néant, puissance et fragilité, vie et mort, éternité et passage. Irruption du sacré dans le monde, du miracle au cœur du quotidien, de l'irrationnel au centre de la cité, il est le paroxysme même de la tension tragique."

Dieu agricole, Le cycle éternel

030110 L'aspect terrien, agricole, du dieu est bien expliqué par Joseph Henderson, un copain de Jung, dans L'homme et ses symboles. Il parle de la religion dionysiaque "qui tire ses racines de l'art de l'agriculture : le type ancien des dieux de la fécondité, à l'apparition saisonnière, autrement dit le cycle éternellement recommencé de la naissance, de l'épanouissement, de la maturité et de la décomposition."

080511 Oui, le cycle. Et si c'est le dieu de l'ivresse, c'est aussi celui de la gueule de bois. De l'énergie vitale ? Oui, mais aussi du déclin, de la déprime même. Du printemps, mais aussi de l'automne. En plus, l'automne, c'est les vendanges.

BacchusMalade

Dieu à usage métaphysique : Nietzsche contre le Caravage

040608 Le rôle fondamental de Dionysos, ce n'est pas le vin, la fête et les rigolades, car c'est aussi le dieu de la gueule de bois et du lendemain tristoune. Son utilité principale, c'est sur le plan métaphysique. Une seule chose à faire : lire Nietzsche ! Il en sait bien plus sur le dieu des Grecs que tous ces artistes qui ont représenté Dionysos ou Bacchus comme un charmant jeune homme en train de se pinter, une coupe ou une grappe à la main. La palme du non-sens revient au Bacchus du Caravage, qui ne montre pas la moindre parcelle d'énergie, mais bien plutôt un éphèbe alangui et mollasse prêt à obéir aux directives de son maître…. Il faut dire que c'est Bacchus le dieu romain, et il était déjà bien ramolli par rapport au Dionysos grec.

Agavé, Penthée, et les seins gonflés des Ménades

230610 Dans Les Bacchantes d'Euripide, il y a un passage rigolo mettant en scène Agavé, qui a écartelé son fils Penthée, non pas pinté - saoul, mais Penthée, c'est son nom. D'ailleurs ce serait plutôt sa mère, Agavé, qui serait pintée : Agavée d'alcool, si on veut… Elle en a l'air, mais en fait elle est folle, rendue folle par Dionysos, justement, pour qu'elle élimine Penthée, qui avait contrarié le dieu. Le passage rigolo, c'est la scène où Agavé remet en ordre les morceaux de son fils, dont elle a déchiré la chair en lambeaux de ses propres ongles ; elle remet la tête, qu'elle a dans les mains, à sa place au-dessus du tronc, en direct sur la scène… ça devait être extrêmement pittoresque…

SabinesDavid

Remarque : l'inspiration d'Hubert Le Menestrel, dans son Poème à Dionysos, est visiblement très proche de celle d'Euripide. En effet, ils ont écrit chacun de leur côté deux vers très semblables. Le Menestrel :

Tes Ménades aux seins tout gonflés de lactance…

Et Euripide (c'est le vers 700) :

VersGrec

Vous voyez ? C'est pratiquement la même chose ! C'est vraiment rigolo !
Le lecteur corrigera toutefois de lui-même, si dans MotGrecc'est un khi au lieu d'un kappa.

Scandale hier soir à France-Télé-Plus

251010 Scandale hier dans les studios de France-Télé-Plus, au cours de l'émission Cause toujours tu m'intéresses pas du tout, alors qu'on interviewait le grand chanteur Michel M. Au moment où celui-ci interprétait avec son talent habituel le célèbre refrain "Post - post - post -postmoderne", dont le rythme lancinant évoquait les tam-tams des chamans en transes, dans une ambiance effrénée, juste à ce moment Dionysos en personne (ou plutôt, en dieu) a fait irruption dans le studio, perturbant l'émission en paralysant les techniciens abasourdis. Il avait son déguisement habituel de bouc, pour la partie sous la ceinture, d'éphèbe pour le buste, et de taureau pour la tête, plus bien sûr sa queue de lion. Le technicien chargé de choisir la caméra, parmi les trois présentes, pour montrer le meilleur plan, était complètement perdu. En effet, le dieu, mettant à l'œuvre ses talents d'ubiquité, se dédoublait, ou plutôt se détriplait, et chacun de ses trois clones saturait le champ de chacune des trois caméras. Sacré Dionysos, toujours le même ! Une bacchante un peu énervée a d'ailleurs déchiré en morceaux l'ingénieur du son, et a terminé l'émission en dévorant sa chair crue à belles dents. Comme cette scène semblait un peu violente pour les enfants, le chef de plateau, avec une grande présence d'esprit, a ordonné qu'on classe séance tenante l'émission interdite au moins de douze ans, et le signe correspondant est apparu en bas à droite du petit écran.

Un dieu irascible (le sens du poil)

140607 Dans l'épisode d'Agave et Penthée, on voit que Dionysos est un dieu très irascible. Mieux vaut le caresser dans le sens du poil… expression d'ailleurs mal adaptée, car il a le poil très abondant, mais très en désordre. En tout état de cause, même pour les humains, cette expression est difficile : quel est le sens du poil, quand il est en triangle ?

Dionysos antipolitique

100212 Quel peut être la relation entre Dionysos et la politique ? Voyons l'opinion de Johann Jakob Bachofen, auteur de Das Mutterrecht, le droit maternel (passage traduit par Marc Sautet) : "Ce progrès de la sensualisation de l'existence correspond partout avec la dissolution de l'organisation politique et la décadence de la vie étatique. A la place d'une riche hiérarchie s'impose la loi de la démocratie, des masses indifférenciées et fait valoir cette liberté et cette égalité qui caractérisent la vie naturelle et la différencient de la vie civile (…). La religion dionysiaque est en même temps l'apothéose de la jouissance aphrodisiaque et de la fraternité universelle, ce qui la rend particulièrement chère aux classes serviles…"

Bon OK : Dionysos piétine l'organisation politique, la vie étatique, indifférencie les masses, fait valoir liberté, égalité, et fraternité. Par contre, cher Monsieur Bachofen, le mot démocratie est déplacé, s'agissant justement d'une organisation politique. Dionysos n'est pas politique, mais social, subversif, presque anarchique.